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Crypto, blockchain : le grand défi de la DeFi
information fournie par DT Expert 06/07/2023 à 14:00

(Crédits photo : Pexels - Worldspectrum )

(Crédits photo : Pexels - Worldspectrum )

En 2022, environ 110 milliards de dollars ont été investis dans la finance décentralisée soit cinq fois plus qu'en 2021 et dix fois plus qu'en 2020. Depuis sa naissance en 2017, la finance décentralisée est passée en six ans d'un secteur niche de l'industrie crypto à un secteur leader. Ce phénomène nouveau est étroitement lié aux crypto-actifs et à la blockchain.

Comment les crypto-actifs et la blockchain ont-ils révolutionné la finance ? Qu'est-ce qui change réellement avec la DeFi (Finance Décentralisée) ? Quels en sont les risques et les avantages ?

Petit rappel sur les crypto-actifs

L'Autorité des marchés financiers (AMF) définit les crypto-actifs comme des actifs numériques virtuels reposant sur la technologie de blockchain. La blockchain, ou « chaîne de blocs » en français, est une technologie qui stocke et transmet des informations de manière transparente, sécurisée et décentralisée. Elle fonctionne comme un registre numérique distribué où les transactions et les enregistrements sont regroupés en blocs, qui sont ensuite liés les uns aux autres par des codes de hachage. Chaque bloc contient un ensemble de données, telles que des transactions, des contrats ou des informations spécifiques, et une empreinte numérique qui garantit son intégrité. De plus, les crypto-actifs reposant sur la technologie de la blockchain, ne dépendent pas d'intermédiaires traditionnels tels que les banques ou institutions financières. Ils sont indépendants et permettent à leurs utilisateurs de se passer de monnaies traditionnelles pour réaliser leurs transactions dans l'anonymat complet. C'est là que réside tout l'aspect révolutionnaire de cette « monnaie » qui n'en est pas vraiment une. Pour qu'un actif soit considéré comme une monnaie, il doit remplir trois fonctions : intermédiaire des échanges (payer), unité de compte (compter) et réserve de valeur (être épargné). Or les crypto-actifs (hors stablecoin) ne peuvent être épargnés pour constituer une réserve de valeur du fait de la volatilité de leurs cours et ne peuvent constituer des intermédiaires d'échange pour payer puisqu'ils n'ont pas cours légal dans tous les pays. Il est donc plus juste de parler de crypto-actifs que de crypto-monnaies.

Focus sur la blockchain et la création de crypto-actifs

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d'information très sécurisée et transparente car il n'y a pas d'organe central. Cette technologie est utilisée depuis 2008 pour la création de crypto-actifs. La création de ces actifs nécessite une multitude d'ordinateurs fonctionnant en permanence pour « miner » : c'est-à-dire créer des jetons. Le terme « jeton » est largement utilisé comme un synonyme de crypto-actif. Les utilisateurs qui mettent leurs ordinateurs à disposition sont appelés les mineurs et ils sont récompensés par l'obtention de jetons qu'ils pourront par la suite échanger via la blockchain.

La Finance Décentralisée (DeFi)

C'est précisément en s'appuyant sur cette technologie que la « DeFi » ou la finance décentralisée s'est développée. Elle fonctionne en Peer-to-Peer (« pair à pair » ou encore P2P). Chacun peut jouer le rôle d'échangeur, de prêteur ou de fournisseur. C'est un écosystème qui s'autoalimente, les transactions n'ont pas besoin d'être validées par une entité centrale. Cette interaction constante entre les particuliers réduit considérablement les coûts puisqu'elle permet de se passer des intermédiaires.

Cette nouvelle finance qui prend de plus en plus d'ampleur repose sur des « smart contrats ». Ce sont des lignes de code déployées sur la blockchain qui réalisent des tâches prédéfinies automatiquement. Ils automatisent les échanges de valeurs des crypto-actifs. Tout échange est donc inscrit dans la blockchain de manière définitive et est visible par tous. Cette transparence permet d'échanger dans des conditions optimales, en réduisant l'asymétrie d'information. Ces « smart contrats » sont aussi un moyen de garantir la force obligataire des contrats sans passer par la voie traditionnelle. Ils sécurisent les chaînes d'information et empêchent les modifications a posteriori sur les contrats et donc les litiges.

Ainsi les services proposés par cette nouvelle dimension de la finance sont nombreux. En voici deux exemples :

  • Le staking s'apparente quelque peu à un placement financier classique, il a des similitudes avec le Livret A par exemple. Cette méthode consiste à immobiliser des jetons sur une plateforme dédiée (pool de staking) pour en retirer des intérêts plus tard. Le staking permet donc de créer des jetons en plus ou moins grande quantité, selon le nombre de jetons immobilisés et la durée de cette immobilisation, sans nécessiter d'investissements matériels importants. On parle de Proof Of Stake (POS). C'est une alternative plus économe que le minage qui repose sur le Proof Of Work (POW). Il suffit de placer ses jetons sur un pool de staking et de patienter. C'est donc un moyen de générer passivement des intérêts qui peuvent être élevés. En effet, placer des jetons sur un pool de staking contribue à augmenter les cours des actifs de ce pool et donc d'en tirer encore plus de bénéfice. Plus un actif est staké plus il rapporte.
  • Le liquidity providing fonctionne selon le même principe que le staking. Les fournisseurs de liquidités déposent des paires d'actifs dans un pool de liquidité. Chaque pool est composé de paires de jetons (jeton 1 et jeton 2) qui sont également répartis à 50/50. Cela permet aux acheteurs d'échanger des jetons 1 contre des jetons 2 sans que cela nécessite la présence d'un vendeur de jetons 2 puisqu'il y en a déjà dans le pool. Ainsi à chaque transaction, le liquidity provider recevra une commission proportionnelle à la quantité d'actifs qu'il a investi dans le pool.

Risques et arnaques

Si la finance décentralisée facilite les transactions entre les utilisateurs et proposent des services simplifiés ne nécessitant pas d'intermédiaires, elle contient aussi son lot de risques et d'inconvénients. Elle attire beaucoup d'investisseurs désireux de réaliser des profits sur le marché des crypto-actifs. Cependant de nombreuses arnaques ont été identifiées ces dernières années, faisant perdre beaucoup d'argent aux investisseurs. En effet les lignes de code qui constituent les « smart contrats » ne sont pas toujours infaillibles. Des personnes malhonnêtes ont su exploiter ces failles en modifiant leur programmation pour mettre en place des arnaques qui rapportent parfois des millions.

Un honeypot fonctionne ainsi. Les investisseurs qui ont acheté des jetons sans se méfier sur une plateforme de finance décentralisée vont se retrouver dans l'incapacité de les vendre en raison des lignes de code inscrites dans le « smart contrat » du jeton empêchant cette action. Lorsque la demande de jetons augmente, l'offre elle, reste faible car seul l'arnaqueur (créateur du jeton) peut revendre le jeton. Le prix ne cesse donc de croître jusqu'à ce que le propriétaire décide de revendre ses jetons à des prix très élevés. Par exemple, suite au succès de la série Netflix Squid Game, un escroc a créé un jeton éponyme sous forme d'honeypot et s'est envolé avec les fonds des investisseurs percevant ainsi 3 millions de dollars en quelques minutes.

En outre chaque service proposé par la finance décentralisée connait des risques inhérents à l'activité. Pour le staking le risque tourne autour de la différence entre le taux d'intérêt qui rémunère le prêteur et le cours de l'actif sur lequel l'investisseur mise. Le staking proposant généralement des taux d'intérêts élevés, peut exposer l'investisseur à un risque de perte financière. En effet, l'intérêt perçu par l'investisseur peut dans certains cas ne pas compenser la volatilité des actifs numériques qu'il a verrouillés. Pour illustrer ce risque avec un exemple concret, sur la plateforme d'échange de crypto-actifs « Binance » l'investisseur a la possibilité de profiter gratuitement du service de staking. Notons d'ailleurs que les intérêts sont perçus dans la monnaie numérique bloquée et que son cours fluctue durant la période de staking présentant donc un risque pour l'investisseur. Effectivement, en sécurisant le réseau d'une blockchain via le staking, l'investisseur s'expose au risque d'une baisse du prix de l'actif bloqué se voyant perdre une partie de son investissement, non compensée par les intérêts perçus du staking en raison de la forte volatilité de ces actifs. Par exemple, l'investisseur ayant acheté 100 DOT (polkadot) en novembre 2021 au cours de 55$ l'unité décide d'immobiliser ses actifs via le staking pendant 120 jours au taux d'intérêt de 16% annualisé. Durant cette période le prix du DOT a chuté de 70% passant d'un prix initialement égal à 55$ à un prix de 16,5$. L'investisseur a donc perdu 70% de son capital ; perte n'étant largement pas compensée par les intérêts issus du staking de 16% annualisés.

Pour le liquidity providing, c'est le risque de l'impermanent loss qui plane. En effet, c'est un risque qui provient de l'évolution du prix des jetons que l'investisseur a décidé de bloquer en faisant du liquidity providing dans un pool de liquidité. Admettons qu'un investisseur décide d'apporter de la liquidité avec une paire contenant du BUSD (stablecoin de Binance) et du SOL (crypto-actif de la blockchain Solana) coté à 100$ au moment où il prend cette décision. Il a envie de déposer 10 SOL (1.000$) ce qui l'oblige à également déposer l'équivalent de 1.000$ en BUSD, soit 1.000 BUSD.

Le problème de l'impermanent loss est que le pool de liquidité va s'auto-ajuster en fonction de l'évolution du prix des jetons bloqués de façon à conserver toujours la répartition de 50/50. Supposons que le prix du SOL double, désormais ses 10 SOL valent 2.000$, la valeur des BUSD étant inchangée, le pool de liquidité va s'auto-ajuster en modifiant la répartition en transformant 500$ de SOL en 500$ de BUSD pour obtenir une répartition de 1.500$/1.500$. Maintenant, l'investisseur se retrouve avec 7,5 SOL et 1.500 BUSD. Ainsi, si le prix du SOL double à nouveau, ce qui au départ représentait 4.000$ de SOL, ne représente plus que 3.000$ de SOL, qui vont être à nouveau répartis par l'auto-ajustement du pool de liquidité, diminuant encore son nombre de SOL détenus et sa plus-value non réalisée.

L'ajustement se fait également en cas de baisse de la valeur du jeton. Ce risque est d'autant plus grand si l'investisseur détient un pool de liquidité sans stablecoin (des jetons dont la volatilité est jugée faible), où il sera exposé à la volatilité de ses deux jetons, donc au réajustement automatique du pool et in fine l'allocation initiale qu'il avait dans chaque jeton sera fortement modifiée, impactant donc sa plus-value non réalisée.

Conclusion

A mesure que la blockchain se démocratise, la révolution qu'est la finance décentralisée prend forme. Sa modernité repose sur la désintermédiation et l'impression d'argent facile qu'elle renvoie, fascine. Toutefois la “DeFi” est une grande étiquette derrière laquelle se cache une multitude de procédés et rouages complexes. Si les combinaisons pour faire fortune sont indénombrables, les arnaques sont aussi monnaie courante dans ce monde au cadre juridique fragile dépourvu d'institution régulatrice. Entre appréhension et fascination, la finance décentralisée divise au sein du monde de la finance. C'est d'ailleurs là que semble résider l'enjeu des années à venir pour la “DeFi” : se réguler pour prospérer sans renier la désintermédiation qui fait sa spécificité.


Réalisé par Matteo Amiel, Maxime Del Ben et Elio Sawaya avec l'aide de Marc Dagher.

Article initialement publié sur DT Expert .

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